Lutherie
Lors de la construction je tiens à réaliser moi-même toutes les étapes d’un instrument,
tout d’abord parce que c’est un plaisir qui ne m’a pas quitté depuis mes débuts et ensuite
parce que la conception et la sonorité dépendent de chaque pièce de l’instrument, que la personnalité, le style et l’authenticité se situent à chaque étape, se retrouvent dans les coups de main, le procédé de construction, le choix des outils …
La réalisation personnelle de chaque pièce permet aussi de modifier la conception initiale en fonction des caractéristiques du bois, de l’influence d’un instrument que j’ai à l’atelier à ce moment là, etc…
Ces choses là sont très intuitives et liées à des sensations personnelles, non transmissibles à un assistant.
Je tiens à garder cette souplesse et cette liberté de choix à chaque étape qui permet de ne pas figer mon travail et qui fait de la fabrication d’un instrument une pièce unique et une aventure passionnante.
Copie d'Ancien
La copie d’ancien est également une approche très intéressante de la construction, surtout si on peut avoir l’instrument sous les yeux. Cela permet de comprendre la conception et les coups de main, le style d’un auteur, les rapports entre structure et sonorité, mais pour moi cette pratique reste occasionnelle car elle offre peu de liberté. J’ai réalisé quelques copies précisément d’après des instruments que j'avais sous les yeux (Gagliano, Scarampella, Bergonzi, Grancino.) et d’autres en m’inspirant plutôt du style et de l’architecture qu’en copiant un instrument en particulier (Montagnana, Guarneri, Maggini, Camilli, Stradivari, Testore) L’intérêt pour moi et pour le musicien est de comprendre et de retrouver le type de sonorité et de timbre déterminés par l’architecture de l'originale. Sans l’égaler on peut retrouver une couleur de timbre, une prise de son et des caractéristiques de jeu qui permettent au musicien de passer de l'originale à la copie en gardant son style de jeu. Pour moi l’architecture est essentielle, c’est ce qui explique que des instruments conservent leurs caractéristiques de timbre et de jeu même après de grosses restaurations avec doublages, revoutages, rebarrages ... La pratique de la copie permet aussi de sortir de ce que l’on a l’habitude de faire et de progresser dans son travail.
Modèles personnels
J’essaie de me rapprocher de la conception des luthiers italiens du 19ème siècle qui s’inspiraient de la lutherie classique des siècles précédents mais de façon libre, en conservant leur individualité, leurs méthodes et leur style. Je recherche la spontanéité dans la construction en me fiant plus à mes sensations et à mon expérience . La forme et les proportions du contour déterminent la voute, le dessin et la position des effes, éléments qui sont étroitement liés. La surface de la table délimitée par les effes est plus importante que le dessin des effes par eux-même. Le choix du bois est également essentiel et ses caractéristiques doivent être adaptées à l’architecture de l’instrument. Les bois que j’utilise ont au moins 10 ou 15 ans de séchage dans mon atelier mais la qualité de sa structure, la façon dont il a été débité et séché sont plus importantes que son âge. Vernis plein ou légèrement dégradé, j’essaie d’obtenir un aspect chaleureux. J’ai utilisé des vernis à l’alcool, technique apprise à Crémone, mais depuis 1990 j’utilise des vernis à l’huile qui offrent à mon avis plus de qualités en ce qui concerne la protection et le vieillissement de l’instrument, la résistance aux coups et au frottement tout en restant souples pour la sonorité. Le vieillissement artificiel du bois ne doit pas se faire au détriment de la sonorité et je n’utilise pas de procédés chimiques agressifs qui pourraient altérer sa structure et nuire à la durabilité de l’instrument. J’ai toujours à l’esprit que leur vie est plus longue que la notre !